Lapins et hypertypes

Les hypertypes chez le lapin


Qu’il s’agisse de chats, de chiens ou de lapins, les progrès de l’élevage et la sélection de certains spécimens ont mené à l’apparition d’hypertypes chez les animaux de compagnie. Qu’est-ce que c’est ? Est-ce que cela représente un danger pour mon animal ? Ces lapins hypertypés nécessitent-ils des soins ou une surveillance accrue ? Comment savoir si mon lapin est hypertypé ? Nous allons faire le point dans cet article 👇

Un hypertype, c’est quoi ?

Le concept d’hypertype est d’abord apparu dans l’élevage canin. Il s’agit, par le biais de sélection, de pousser à l’extrême certaines caractéristiques physiques propres à une race quitte à jouer sur la santé de l’animal.

“En quoi est-ce un problème ?” me direz-vous. Et bien, en raison de critères purement esthétiques, les éleveurs ont eu tendance à s’éloigner parfois dangereusement du modèle primitif ; cela, engendrant de nombreuses pathologies et souffrances pour les animaux de compagnie qui en sont issus.

Quand on parle d’hypertype, on pense souvent aux races brachycéphales de chats et de chiens (les races à la face écrasée, comme le carlin, le bulldog, le persan…), mais le lapin, en raison de l’intérêt, certes récent, qu’on lui porte, en est également victime d’ou l’intérêt d’une sensibilisation massive auprès du grand public.

Bulldog français
Bulldog français
Chat persan
Chat persan
Lapin bélier hypertype
Lapin bélier

Les hypertypes chez le lapin

L’attrait du public pour le lapin nain n’est plus à démontrer . Celui pour le lapin bélier, non plus. Avec leur adorable bouille toute ronde, leurs mignonnes petites oreilles, et leur taille de bébé, comment leur résister ? Cependant il y a un énorme problème car ces caractéristiques sont bien loin de celles de leur “ancêtre”, le garenne.

Hypertype
Hypertype
Charly lapin nain tête de lion
Charly lapin nain tête de lion

Le lapin nain

Tout d’abord, abordons la question du nanisme, puisqu’il s’agit généralement du lapin de compagnie le plus répandu. De nombreuses races en sont issues, qu’il s’agisse du nain de couleur, du polonais, du minilop ou de bien d’autres.

Un “vrai” lapin nain (c’est-à-dire ne dépassant les 1 kg adulte) est porteur d’un gène responsable de sa petite taille.

Chaque individu possède deux gènes (un hérité de maman, l’autre hérité de papa) pour chaque chromosome. Le lapin nain possède donc un allèle “nain” (appelons-le N) et un allèle “classique” (appelons-le C). Lors d’une reproduction entre deux vrais lapins nains (portant chacun les allèles N-C), vous obtenez un des mélanges suivants : 25% de N-N (double nain, non viable, il décédera dans les quelques heures/jours suivants sa naissance), 50% de N-C (“vrais” lapins nains) et 25% de C-C (lapins de taille classique). Certains éleveurs se débarrasseront purement et simplement des C-C, puisque n’entrant pas dans les critères du lapin nain tant recherchés. D’autres profiteront de leur jeune âge pour vous les vendre en tant que nains, et vous vous retrouverez alors avec des lapins de taille tout-à-fait standard, achetés à prix d’or. D’autres encore, les cèderont à des circuits de vente classiques.

Pour faire court, retenez simplement ceci : pour une mise bas de 4 lapins nains, il y aura en moyenne 1 mort, voire 2 (ce chiffre pouvant aller jusqu’à 4, si les 4 bébés sont porteurs des gènes N-N).

Les lapins béliers

Ah, ces adorables boules de poils avec leurs oreilles tombantes vous font craquer ? Leur apparence n’a pourtant rien de naturel !

Les premières sélections de lapins béliers remontent au XIXème siècle. A l’époque, on isolait les lapins avec des oreilles si démesurées qu’elles ne pouvaient tout simplement plus se dresser seules. Les éleveurs anglais et propriétaires “avertis” allaient même jusqu’à repasser (au fer à repasser, oui, oui !) les oreilles de leurs animaux afin d’obtenir quelques centimètres de plus que celui du voisin…

Bref, de générations en générations, les éleveurs sont parvenus à isoler des individus dont le cartilage auriculaire était trop faible pour maintenir leurs oreilles droites, tout en parvenant à réduire la taille de celles-ci : nous en arrivons ainsi à notre lapin bélier actuel.

Notons toutefois que le bélier anglais, descendant direct des premières sélections de lapins aux oreilles tombantes existe toujours : ses oreilles XXL trainant mollement sur le sol.

Baloo, lapin nain bélier
Baloo, lapin nain bélier

Minilop, mini-rex, polonais, angora, tête de lion… la liste des hypertypes est longue !

De nouvelles races font fréquemment leur apparition, justifiant leur existence par une nouvelle caractéristique physique. Les minilop/hollandais sont ainsi plus petits et plus ronds que les béliers classiques. Les mini-rex sont, là encore plus petits que leurs homologues plus classiques ; et le lapin polonais a des oreilles extrêmement courtes, ainsi qu’une tête la plus ronde possible. Quant aux angoras et aux lapins tête de lion, c’est leur pelage qui font leur spécificité.

Lapin bélier anglais
Lapin bélier anglais
Lapin nain polonais
Lapin nain polonais
Minilop
Minilop
lapin rex
Lapin rex

Lapin hypertypé : quelles conséquences sur sa santé ?

L’accentuation extrême de leurs caractéristiques physiques les plus remarquables n’est pas anodine, quelle que soit l’espèce concernée.

Imaginez le lapin de garenne comme l’idéal type du lapin, du point de vue vétérinaire en tout cas. Sa tête est parfaitement proportionnée pour permettre une bonne usure et un bon positionnement des dents, ses oreilles droites et de bonne longueur lui offrent une audition à 360° et une hygiène irréprochable…

Comparez-le maintenant à ses cousins issus d’élevage. Observez leur profil bien plus court, leurs oreilles immensément différentes, leur allure en tout point modifiée. Pensez-vous que les traits qui les caractérisent n’aient aucune conséquence sur leur bien être ?

Lapin de garenne
Lapin de garenne

Le fléau des hypertypes

Les vétérinaires spécialisés vous le diront volontiers : plus un animal est conforme à une race hypertypée, plus ses problèmes de santé sont nombreux. N’hésitez donc pas à demander un avis à votre vétérinaire avant tous achats ou adoptions.

Problèmes dentaires

Ainsi, pour les races mentionnées plus haut, la sélection artificielle a engendré de nombreux problèmes dentaires : en raccourcissant le museau, on a rapetissé et décalé les mâchoires, rendant ainsi l’usure des dents beaucoup plus compliquée.

Pire, pour certains animaux, comme pour ce lapin vu par la clinique Anidoc, les dents de la mâchoire inférieure sont carrément passées devant celles de la mâchoire supérieure, entrainant douleurs, difficultés alimentaires et rendant obligatoires un limage mensuel voire une extraction dentaire chez votre vétérinaire.

Photo fournie par la clinique vétérinaire Anidoc
Photo fournie par la clinique vétérinaire Anidoc
Photo fournie par la clinique vétérinaire Anidoc
Photo fournie par la clinique vétérinaire Anidoc

Pathologies chroniques

Bien entendu, une face plus aplatie, un museau plus court, c’est également une morphologie cervico-faciale totalement modifiée : le nez est plus en arrière, les sinus sont plus courts, leurs conduits sont déviés, la respiration se fait donc plus difficilement, sans parler de l’évacuation du mucus et des impuretés. Et ça, c’est le lit idéal des rhinites et autres affections respiratoires chroniques.

Par ailleurs, les yeux et le canal lacrymal se retrouvent “bloqués” par tous ces organes qu’il faut bien caser quelque part. L’évacuation des larmes et des bactéries oculaires s’en trouvent gênée, et cette fois, c’est la conjonctivite qui guette !

Otite chez un lapin bélier
Otite chez un lapin bélier

Gare aux problèmes auriculaires !

Que dire enfin des oreilles du lapin bélier ? Son conduit auditif plié rend impossible l’hygiène naturelle de celles-ci. Les dangers de cette modification sont évidents : otites à répétition, voire surdité, ce qui fait la beauté de cette race est aussi son plus grand handicap.

Problèmes cutanés et digestifs

Avec leur pelage caractéristique, difficile de passer à côté des lapins angora et tête de lion. Pourtant, les poils de ces animaux, bien qu’ils fassent leur spécificité si recherchée, n’est pas anodine.

Ce sont des animaux de compagnie qu’il faut brosser tous les jours, voire plusieurs fois par jour : cela pour éviter les bourres de poils et autres problèmes de transit. En effet, si votre compagnon, en faisant sa toilette comme tout un chacun venait à ingérer trop de poils, il ne pourrait les évacuer naturellement : c’est l’arrêt de transit, une pathologie extrêmement grave, potentiellement mortelle et nécessitant de toute urgence une consultation vétérinaire.

Les bourres de poils ne sont cependant pas sans conséquences, elles non plus : autour d’un membre, elles peuvent former un garrot et conduire à une amputation. Près des parties génitales et de l’anus, elles font le lit des myases, c’est-à-dire des larves de mouches qui vont dévorer votre animal vivant. Et ailleurs, elles peuvent être à l’ origine de problèmes cutanés, la peau ne pouvant respirer et se renouveler naturellement…

Myases
Myases

Conséquence de tout cela : la lutte contre les hypertypes

De plus en plus de vétérinaires et associations alertent contre les problèmes et les souffrances qu’impliquent cette dérive. Par exemple, l’AVF (pour Association Vétérinaire Française) assimile les troubles liés aux hypertypes à des maltraitances programmées.

La Rabbit Welfare Association and Fund (RWAF) et la Royal Society for the prevention of cruelty to animals (RSPCA) encouragent quant à elles les élevages à renoncer à la production d’individus hypertypés, dans le seul but de réduire la souffrance animale qu’elles engendrent.

Elevage Bulldogs français
Elevage Bulldogs français
Elevage de chats persans
Elevage de chats persans
Elevage de lapins
Elevage de lapins

Vers une prise de conscience du grand public ?

Recherche, enquête et formation des vétérinaires, en parallèle d’une meilleure information du public et de campagnes de sensibilisation à cette notion semblent avoir porté leurs fruits, en ce qui concerne les milieux canins et félins en tout cas.

En ce qui concerne les lagomorphes, malheureusement et comme trop souvent encore, ces problèmes ne font l’objet que d’une timide attention des non-spécialistes. Nous espérons donc que cet article pourra aider à mieux saisir le problème et à le faire connaître du plus grand nombre.

La production d’individus qu’on sait être souffrants, qui seront de toute façon malades et qui nécessitent un suivi particulier devrait être de l’ histoire ancienne. Ce n’est pourtant pas le cas, des critères de beauté toujours plus fantaisistes étant à l’origine d’un business au sein duquel la vie d’un animal n’a aucune valeur, si ce n’est pécuniaire.

Espérons que ce commerce et les dérives qu’il engendre puisse prendre fin très bientôt. En attendant, si votre bébé fait partie de ces victimes de la sélection acharnée, pensez à lui offrir un suivi vétérinaire appuyé, et à surveiller de près l’éventuelle apparition des pathologies dont nous avons parlé plus haut. Prenez soin d’eux ! (et de vous 🧡)